Sommaire de Souternet     Publications du CLPA

retour au menu du site

La Grotte du Sergent

Chapitre II

Par Daniel CAUMONT

 

CHAPITRE 1 :INTRODUCTION, GÉOLOGIE, HYDROGÉOLOGIE

CHAPITRE 2 : LA GROTTE DU SERGENT

CHAPITRE 3 : LE BOULIDOU DU SERGENT

CHAPITRE 4 : LA GROTTE DU SERGENT, CAVITÉ ÉCOLE

CHAPITRE 5 : BIBLIOGRAPHIE

 

 

(Suite PARTIE 1) 

 LE RESEAU POST-SIPHON

Ce siphon de 3 m de long dont la voûte est à 1 m de la surface se prolonge par un petit lac profond de 5 m x 5 m occupant le point bas d’une galerie ascendante encombrée de blocs. Le ruisseau qui alimente ce lac apparaît sur le côté de la galerie parmi les blocs. Au sommet de cette dernière les dimensions se réduisent à la faveur de la diaclase, puis, après avoir laissé sur la droite le départ d’un conduit latéral la cavité présente deux passages possibles.

Le passage de droite, accessible par une courte escalade sur des blocs permet au bout d’une quinzaine de mètres de parcours de se trouver directement dans l’axe du prolongement de la cavité.

Le passage face à soi, dans son prolongement N.N.O., donne sur une galerie impénétrable au bout de 10 m et permet d’autre part de rejoindre à l’Est le passage de droite.

Au sortir de l’ensemble, on retrouve le prolongement pénétrable du conduit latéral signalé précédemment et le ruisseau qui disparaît dans un point bas impénétrable après une chute en cascade de 1 mètre. La galerie, de dimensions nettement inférieures à celle qui prolonge le siphon Bournier, plus haute que large, (8 m x 1 m) est occupée dans toute sa largeur, en son point bas, et sur une dizaine de mètres, par une laisse d’eau. Ensuite, on s’élève de 7 m en progressant dans une galerie plus large dont le parcours est encombré de strates effondrées. On parvient ainsi dans une petite salle occupée par un pilier stalagmitique au-delà duquel, et sur la gauche, la voûte s’abaisse. Au bout de quelques mètres on accède dans un système de diaclases labyrinthiques encombrées de blocs qui permettent, une fois franchies, de retrouver le ruisseau issu d’un lac (lac des « Lames de Rocher »). Ce dernier est fractionné en plusieurs plans d’eau par de minces pendants de roche résultant des effets de l’érosion particulièrement remarquables dans ce secteur. Une galerie unique, toujours occupée par le lac, se prolonge sur une dizaine de mètres jusqu’à un passage remontant.

Au-delà, la diaclase encombrée de blocs dans sa partie inférieure se poursuit sur 25 mètres. A l’extrémité de cette dernière le ruisseau résurge d’un boyau impénétrable. Face à ce boyau, on s’élève de 4 m pour atteindre une galerie plus spacieuse (5 m x 3 m) se dédoublant sur 6 m. L’extrémité de cette galerie de 20 m de long est occupée par le premier des trois plans d’eau constituant le siphon terminal de cette branche de la cavité. Les deux autres plans d’eau sont accessibles par de courtes escalades.  Nous sommes à 1 131 m de l’entrée de la cavité.  Ce siphon aurait été reconnu en plongée sur 300 m de développement et 60 m de profondeur par G. GIL du G.S.F.R.M.

LE « RESEAU PARALLELE » (ou « Réseau Supérieur »)

Du balcon précédemment décrit, une belle galerie (5 m x 6 m x 4 m) en pente que l’on descend sur des lames corrodées soudées par la calcite donne sur un point bas suivi d’un petit ressaut de 1 m sous une coulée. Une pente subverticale de quelques mètres donne accès à une galerie facilement repérable. (Le Rauracien est à nu et un banc de 50 cm est veiné de fentes calcifiées). A ce niveau ce dernier est en contact avec le Bajocien (Chailles). Le conduit, assez spacieux, se prolonge par une croupe stalagmitique qu’il faut franchir. Au-delà on prend pied dans une galerie bien concrétionnée (piliers, draperies etc...) semi-horizontale et d’un fort bel aspect. Celle-ci se développe sur une cinquantaine de mètres environ et s’amenuise progressivement (Quelques blocs délités et érodés jonchent le sol) tant le remplissage de calcite est important. Au ras du sol, un passage étroit occupé par une laisse d’eau montre des formes d’érosion tout à fait exceptionnelles révélatrices quant au fonctionnement hydrologique (temporaire) de cette partie de la cavité. Les concrétions de calcite ainsi que les parois du conduit sont affectés par de nombreuses cupules. Certaines formations stalagmitiques ont même perdu leur forme originelle ce qui atteste la violence des eaux qui empruntent temporairement ce passage.

Au sortir de ce dernier, le concrétionnement toujours intense contraint à se glisser entre d’énormes piliers stalagmitiques et la paroi de la galerie qui se dédouble ensuite. Un passage supérieur et un passage inférieur conduisent sur une galerie unique au sol orné par quelques beaux gours. Une pente abrupte permet ensuite de se trouver au fond d’un vaste gour à sec avec traces de niveaux d’eau sur ses parois. A 2 m de hauteur une étroiture débouche dans une galerie (3 m x 4 m) aux parois à nues et au sol ornementé par une série de gours. Ceux-ci sont succédés par des blocs tranchants effondrés de la voûte. Au bout de quelques mètres on débouche à mi-hauteur d’une salle-diaclase assez vaste (Salle du Sable) sur les parois de laquelle apparaissent des strates (20 à 40 cm d’épaisseur). Un petit plissement est visible. Des petits lits marneux silicés s’intercalent entre les bancs. On atteint le fond de la salle par une pente encombrée de blocs. Le Bajocien apparaît à nouveau et le sable dolomitique accumulé sur le sol présente de petits débris de charbon de bois. Ceux-ci semblent provenir d’une importante cheminée remontant jusqu’à la cote + 25 m et semblent indiquer leur transport à partir de la surface relativement proche. A l’extrémité de cette salle-diaclase un passage étroit entre deux parois  rappelle un peu ceux du réseau de la « Grande Diaclase ». La roche est noire (oxyde de manganèse) et criblée de chailles. On progresse d’une vingtaine de mètres en laissant sur la droite deux départs bien visibles, la galerie monte légèrement et conduit à un petit ressaut de 2 m que l’on emprunte sur la gauche. Au bas de ce dernier, un petit couloir étroit déchiqueté et légèrement remontant conduit dans une petite salle (6 m x 5 m) dans laquelle on remarque de belles strates inclinés. Le prolongement de cette salle se fait dans une galerie (2 m x 1 m) se rétrécissant au niveau d’une coulée stalagmitique alimentée par un gour. Ce gour franchi on arrive au bord d’une vasque remplie d’eau et occupant toute la section de la galerie. Le plafond est bas et la présence de l’eau que l’on ne peut éviter même en passant sur le bord gauche nécessite de ce mouiller au moins les pieds.

La sortie de cette vasque, sorte de feston de calcite classique aux gours étagés domine un puits de 4 m dont on évite la descente en se glissant les pieds en avant sur une petite vire. Un pilier stalagmitique constitue une bonne prise de main et permet de franchir ce passage sur la droite sans agrés. (lors d’une sortie d’initiation prévoir une corde d’assurance). On descend ensuite facilement au point le plus bas de ce ressaut pour atteindre une belle galerie (5 m x 2 m) large et au plafond plat. Celle-ci remonte progressivement, se pare de nombreuses formations stalagmitiques et conduit dans une petite salle. Sur la gauche de celle-ci une étroiture verticale donne sur un petit réduit encombré de blocs prolongé par un conduit étroit allant en s’ammenuisant. Au bout d’une dizaine de mètres de boyau on débouche sur un ressaut vertical de 1 m 50 au bas duquel on se trouve au point de départ des deux réseaux décrits et à une trentaine de mètres de la « Boîte aux Lettres ».

 HYDROGEOLOGIE

DU SYSTEME DU SERGENT

 LE CONTEXTE AVAL

 * LES EXUTOIRES PERENS (ou émergences inférieures)

Le système souterrain du Sergent dépend hydrogéologiquement de trois exurgences situées en rive droite de l’Hérault : la source du « BARRAGE » à la cote 65 m un peu au-dessus du niveau d’étiage du fleuve, et les sources du « CABRIER » et du « ROULET » un peu plus hautes, à la cote 75 m. Le débit d’étiage de ces trois sources ne descend au-dessous des 20 l/s que très exceptionnellement lors de sécheresses prolongées. Il peut par contre atteindre et même dépasser 1 m3/s en crue. Les sources du « Roulet » et du « Barrage » sont pérennes tandis que la source du « Cabrier » tarit quelquefois (d’après la population locale). Pour notre part, et après une observation étalée sur plus d’une vingtaine d’années, nous n’avons jamais vu cette source à sec.

SOURCE DU CABRIER (du Cabriè, du Chevrier) :

X : 698,64    Y : 161,22    Z : 75 m

Commune de Saint-Guilhem-le-Désert

Cette source se situe cent cinquante mètres en aval et à l’Est du débouché de la Combe de Malafosse, en bordure de route. Son exutoire, anciennement aménagé s’ouvre sous une voûte bâtie à la base d’une muraille. A l’étiage son petit plan d’eau est canalisé par une vanne tandis qu’en crue une belle cascade blanche et écumeuse s’épanche sur un ouvrage artificiel construit à même le roc. Après avoir traversé la route D4, sous laquelle elle est canalisée, celle-ci glisse sur la banquette verdoyante qui domine l’Hérault avant de se jeter d’un saut de « Cabre » (ou de Chèvre) c’est-à-dire en cascade dans le lit de ce dernier (température : 12,8 le 22/02/86).

SOURCE DU ROULET :

X : 698,57    Y : 161,14    Z : 75 m

150 m au S.S.W. de la Source du Cabrier, cette source naît pratiquement dans le talus de la route D4.

Comme sa voisine, elle passe sous la route, traverse la même banquette et se jette dans l’Hérault. (température : 12,5 le 22/02/86)

SOURCE DU BARRAGE :

X : 698,73    Y : 161,18    Z : 65 m

Cette petite source jaillit d’une fissure (impénétrable) du calcaire située quelques mètres au-dessus du niveau d’étiage du fleuve et à une cinquantaine de mètres en aval du débouché de la Combe de Malafosse. Elle est immergée en période de moyennes eaux. Ces trois exurgences ont été marquées lors des expériences de traçage effectuées le 24 Juin 1950 à partir du ruisseau de la « Grande Diaclase » de la Grotte du Sergent,(distance 1 400 m) et du 11 Novembre 1965 à partir de l’Aven 4 du Mas d’Agres situé, 4 600 m au Nord.

* LES EXUTOIRES TEMPORAIRES

LE BOULIDOU DU SERGENT (ou émergence moyenne)

Situé à 650 m des émergences pérennes, le « Boulidou du Sergent » constitue le premier exutoire de trop plein pénétrable du système. Son entrée, située dans un chaos de blocs au centre du thalweg de la Balaissade donne accès à un réseau de galeries dans lequel on retrouve le ruisseau souterrain issu de la « Grande Diaclase » de la Grotte du Sergent. Son point bas (-22 m) est occupé par un siphon dont la mise en charge permet à son orifice d’entrée d’évacuer plus de 3 m3/s.

LA GROTTE DU SERGENT (ou émergence supérieure)

Située à 190 m d’altitude, c’est-à-dire 115 m, en dénivellé au-dessus de la Source du Cabrier, la Grotte du Sergent constitue à la fois un regard sur l’aquifère profond présentant un régime d’écoulement phréatique (plan d’eau à niveaux variables de la « Galerie du

Réservoir ») et le point de rencontre d’un ruisseau (ruisseau de la « Grande Diaclase ») au régime d’écoulement libre, issu d’une circulation superficielle dont l’origine, bien que supposée, reste à préciser. Sa mise en charge correspond à la fluctuation du niveau de l’aquifère profond, lequel, selon la nature et l’intensité des précipitations, engendre le fonctionnement de son orifice.

Cette « mise en charge » s’effectue selon plusieurs stades successifs, niveaux bien marqués et repérables sur les parois de ses galeries. A l’étiage, le ruisseau de la « Grande Diaclase » rejoint le siphon du « Boulidou du Sergent » (autre regard sur l’aquifère profond) tandis que le plan d’eau de la « Galerie du Réservoir » stationne vers la cote -53 m.

COMPORTEMENT HYDRODYNAMIQUE DU SYSTEME

Le fonctionnement de l’ensemble, c’est-à-dire la « mise en charge » successive des orifices de ces cavités, dépend d’un certain nombre de paramètres, mais surtout de la nature, de la localisation et de l’intensité des précipitations sur le massif. Le shéma classique de mise en charge des orifices de trop plein s’applique ici dans le cas de précipitations bien réparties et abondantes étalées sur plusieurs jours.

- A l’Etiage :

Les précipitations subites et abondantes intervenant en période de « pointe » d’étiage sous forme d’orages n’influencent que très peu l’aquifère profond dont la réaction est assez tardive(48 h minimum). La nature dolomitique du massif joue en ce sens un rôle « magasin » régulateur qui contribue, comme nous l’avons déjà mentionné, à « tamponner l’action des crues » (observation nov.1985). Les écoulements superficiels, c’est-à-dire le ruisseau issu de la région du Mas d’Agres qui rejoint l’aquifère profond au niveau du « Grand Boulidou », présente un temps de réponse plus court et se stabilise plus rapidement. Le « Lac du Bain », sorte de grande cuvette située sur le parcours de la « Petite Branche » peut, à la faveur de ce type précis de précipitations, se mettre en charge et interdire l’accès du « Réseau Nord » de la Grotte du Sergent. Ce « Lac » est alimenté par un système de fissuration en relation directe avec la surface dont il n’est séparé que par une quarantaine de mètres. Il s’agit d’un phénomène localisé mineur qui a toutefois son importance car il condamne l’accès du réseau Nord dont le fonctionnement pourrait dans ce cas être intéressant à observer avec précision.

En crue (hautes eaux) :

Le mécanisme des crues des sources du Cabrier et du Roulet résulte dans presque tous les cas de la mise en charge de l’aquifère profond dont les fluctuations peuvent parfois être très importantes.Par exemple, lorsque l’orifice de la Grotte du Sergent fonctionne, celui-ci peut atteindre plus de 115 m, ce qui est considérable et prouve bien le rôle du « réservoir » de cette cavité (fort bien pressenti en son temps par E.A. MARTEL) dont toutes les galeries, y compris celles du « Réseau Nord », sont alors entièrement noyées. Seule la Cheminée du « Réseau Supérieur » (cote +23 m) en position de cheminée d’équilibre doit être en partie exondée. Dans ce cas précis, le « Grand Boulidou », exutoire intermédiaire, fonctionne en charge et évacue plus de 3 m3/s ce qui est considérable et donne bien la mesure et l’ampleur du système hydrogéologique sur lequel la Grotte du Sergent joue un rôle capital. Ce mécanisme hydrogéologique est toutefois exceptionnel et lié à des précipitations abondantes bien réparties et de longue durée sur l’ensemble du karst des Monts de Saint-Guilhem. Toutefois, bien que la mise en charge de l’entrée de cette grotte constitue un fait rarissime, le rôle de ces conduits est loin d’être négligeable.  Ceux-ci permettent en effet de façon assez précise de contrôler le niveau piézométrique de l’aquifère profond dont ils constituent la cheminée d’équilibre probablement la plus importante du massif. Cette affirmation n’est bien entendu valable que pour le réseau de la « Grande Branche » dans lequel il est possible de suivre les fluctuations de ce dernier à partir du plan d’eau siphonnant de la « Galerie du réservoir ».

Ces fluctuations appellent quelques remarques intéressantes :

En période de hautes eaux il est courant de constater le stationnement de ce plan d’eau vers la cote -50 m (alt : 140 m) c’est-à-dire au bas de galerie en forte pente conduisant de la « Salle du Grand Pilier » au début de la « Galerie du Réservoir » (changement net de direction de la cavité à ca niveau). Ce postionnement relativement stable et durable nous paraît en effet lié au niveau piézométrique de la « Source du Verdus ». Coïncidence ou interaction entre deux aquifères, la question demeure pour l’instant sans réponse mais très intéressante quant à la compréhension du rôle de la Grotte du Sergent dans l’Hydrogéologie des Monts de Saint-Guilhem.

LE CONTEXTE AMONT

Le contecte amont intéressant le système de la Source du Cabrier et la Grotte du Sergent n’a pu encore faire l’objet d’une délimitation très précise, notamment au Sud-Sud-Ouest où ses limites de bassin avec la source du Verdus restent encore imprécises. Toutefois l’on sait grâce à la coloration de l’Aven 4 du Mas d’Agres que la région Nord du Roc de la Vigne (terminaison abaissée de la Plaine de Lacan) est drainée par la Source du Cabrier. On ignore toutefois si la coloration de ce site est passée par la « Grande Diaclase » du Sergent ou bien par les contreforts du Roc de la Vigne. Cette remarque aurait présenté beaucoup d’intérêt sur le plan spéléologique car on ne connaît toujours pas l’origine du ruisseau de la « Grande Diaclase ». Celui-ci pourrait d’ailleurs être totalement indépendant du draînage issu du Mas d’Agres et trouver son alimentation dans le seul massif du Roc de la Vigne. Dans ce cas un autre système souterrain se raccordant en aval du Grand Boulidou c’est-à-dire au niveau de la nappe en réseau pourrait exister. La Plaine de Lacan, dans laquelle s’ouvre l’Aven de la Capitelle ne semble pas non plus concernée.

La preuve en est donnée par cette cavité dont la profondeur (-448 m) dépasse de 35 m le niveau du siphon terminal de la Grande Diaclase. Elle nous paraît par contre concerner directement le karst profond, c’est-à-dire la nappe en réseau de la Grande Branche du sergent dont la vidange s’effectue au Cabrier.

L’Aven de Laspourdoux (-155  m) cavité voisine parcourue par un ruisseau temporarire de débit suffisant nous paraît tout à fait se prêter à une expérience de coloration fort instructive. Sa situation est de plus intéressante car relativement proche de la Perte du Mas Tourreau dont on sait la relation avec la Source du Verdus. Sa coloration pourrait permettre une délimitation assez précise entre les deux exsurgences.

Des conditions hydrologiques très précises s’avèrent cependant indispensables. A priori on peut estimer le bassin d’alimentation de la source du Cabrier à une vingtaine de Km2 au moins sont constitués de dolomie et calcaires dolomitisés.

Le débit très régulier d’étiage de la Source du Cabrier nous paraît tout à fait correspondre à la présence de ces dolomies et surtout à leur rôle important de roche magasin.

DYNAMIQUE DES PHASES DE MISE EN CHARGE DE LA CAVITE

Les divers processus de mise en charge de la cavité correspondent à des conditions hydrologiques bien précises dont nous avons précédemment donné un aperçu. Il est cependant intéressant de décrire leur dynamique en son sein du fait de la nature polyphasée de cette dernière. Nos remarques en ce sens nous ont permis, non seulement de vérifier le rôle du réservoir de la « Grande Branche » défini comme tel par E.A. MARTEL en 1890, mais d’apporter quelques compléménts de détails aux travaux publiés, les plus récents en date (P. DUBOIS, C. REQUIRAND, G. AIN, 1967).

Réaction de l’Aquifère profond : (Grande Branche : Galerie du Réservoir)

Le plan d’eau (mi-ensablé) de la cote -83 suspendu de 32 m au-dessus du niveau de drainage minimal des sources du Roulet et du Cabrier se met en charge selon le procédé classique d’ennoiement d’un aquifère c’est-à-dire lors des fluctuations positives de ce dernier. L’importance des « venues » spatialement réparties du karst conditionne cette mise en charge. La « venue » progressive de la crue s ’effectue par paliers : le plus nettement marqué étant situé à la cote -53, c’est-à-dire au bas de la forte pente qui prolonge la salle du « Grand Pilier ». Lorsque l’aquifère atteint ce niveau, pointe de crue classique, on constate une phase statique pouvant se prolonger durant plusieurs jours voire plusieurs semaines. Celle-ci indique a priori le piégeage de ce dernier (dont la mise en charge est alors de 64 m) dans une vaste cuvette suspendue au-dessus du niveau de drainage des sources du Cabrier et du Roulet. Celles-ci, en crue lors du débordement, retrouvent leur débit normal durant cette phase statique et confirment bien le rôle de réservoir suspendu de cette partie de la cavité. Cette immobilisation caractéristique peut aussi trouver une explication dans le fait que ce niveau coïncide et dépasse la cote moyenne de l’aquifère de la Source du Verdus, exsurgence située à 2 km au S.S.W. à l’extrémité de la reculée de l’Infernet, près de Saint-Guilhem-le-Désert. Il faut voir ici, plus qu’une simple hypothèse, une remarque et une tentative d’approche d’explication de ce phénomène qui tient à être précisé notamment par une expérience de coloration faisant appel à des conditions très précises.

Au-delà de ce stade qui correspond au premier cran de la mise en charge de cette partie de la cavité et à son régime le plus classique, deux autres phases ont été reconnues.

Moins fréquentes, et surtout liées à une mise en charge généralisée de l’aquifère des Monts de Saint-Guilhem, la première, a pour effet d’ennoyer la partie horizontale de la « Petite Branche » et par conséquent de permettre à l’aquifère profond de rejoindre le ruisseau de la « Grande Diaclase ». Cette confluence entre les deux aquifères (Profond et Superficiel) entraîne la réaction du « Boulidou » dont le débit d’exhaure peut atteindre plus de 4 m3/s. La deuxième, qui revêt un caractère exceptionnel peut être observée chaque trois ou quatre ans environ. (Voir planche Photo crue 1982)

Elle se manifeste par un déversement de l’aquifère par l’orifice de la cavité (Alt : 190 m) et s’explique par un reflux général de ce dernier vers le tronçon supérieur de la « Grande Branche ».Ce reflux est la conséquence directe de l’effet de trop plein des conduits du « Réseau Nord », du « Boulidou » et des « Venues » concomitantes du karst.

Réaction de l’Aquifère Superficiel (Réseau Nord) :

Le « Réseau Nord », parcouru par le ruisseau dont on connaît la relation avec les sources du Cabrier et du Roulet présente une dynamique tout à fait différente de type Vadose, mais peut, à la faveur de précipitations exceptionnelles, se comporter comme l’Aquifère profond c’est-à-dire se déverser dans la « Grande Branche » et l’utiliser comme trop plein. Son régime normal lui confère cependant un comportement de crue indépendant de l’aquifère profond qu’il ne rejoint à l’étiage qu’en aval du Grand Boulidou. Son alimentation correspond à des « venues » issues du Massif du Roc de la Vigne région située au droit de la faille-drain de la « Grande-Diaclase ». Sa mise en charge peut s’effectuer indépendamment de celle de l’aquifère profond et ceci en fonction de la nature et de l’intensité des précipitations sur la région concernée, en l’occurence ici le massif du Roc de la Vigne. De plus, son temps de réponse beaucoup plus rapide que celui de l’aquifère profond se manifste par une très nette saute de la Source du Cabrier et souvent par une décrue rapide (de 1 m3 à 100 l/s en 48 h).

Le « Boulidou » dont nous avons précisé le processus de mise en charge tamponne cette crue et réagit à son orifice. Parfois, lors de cette phase assez exceptionnelle de mise en charge du Boulidou il peut être observé un phénomène de reflux à l’intérieur de la cavité en direction de la « Grande Branche ». L’écoulement de trop plein du « Grand Boulidou », alors noyé, reflue par la « Petite Branche » en direction de la « Galerie du Réservoir » qui se remplit progressivement et se comporte comme défini dans le paragraphe concernant la réaction de l’aquifère profond.

MORPHOLOGIE

La Grotte du Sergent est une cavité bi-directionnelle dans son ensemble, typiquement dépendante de la structure et caractérisée par un polygénisme cranté (érosion régressive).

Deux directions dominantes Nord-Sud et Est-Ouest ressortent clairement sur la topographie qui montre très nettement la mise en place de cette cavité à partir de plusieurs familles de fractures observant ces deux orientations générales préférentielles. Le polygénisme cranté, bien matérialisé par la « Petite Branche », dû à l’évolution régressive du réseau, fait partie des aspects karstiques les plus importants de la cavité dans laquelle nous avons reconnu trois types de conduits morphologiquement différents :

Conduits creusés à partir de joints de stratification.

Conduits creusés à partir de fractures et diaclases sub-parallèles à un plan de faille.

Conduits creusés à partir et dans un plan de faille.

Remarques générales

 LA « GRANDE BRANCHE »

* Présence d’un macro-conduit subvertical

De l’entrée de la cavité jusqu’au siphon terminal de la « galerie du Réservoir » les galeries de ce réseau dont les dimensions sont imposantes (de 5 à 7 m de large par secteur) sont creusées essentiellement à partir de fracturations et de plans de faille. Les creusements à partir de joints sont présents mais beaucoup moins nombreux. Ces galeries montrent quelques retouches post-génétiques dues au réajustement de leur profil lors des différentes phases d’évolution de la cavité (surcreusement du bed-rock ou recreusement du remplissage) ainsi que quelques modifications géométriques dues à des recoupements de parois. On note aussi un ensemble de retouches mécaniques résultant de décompressions localisées. Leur caractère paragénétique évolutif est évident. Les différences de faciès calcaires (Bajocien - Rauracien) interviennent quelquefois dans les différentes formes qui peuvent être observées.

L’allure générale subverticale du conduit dépend d’un morcellement postérieur de ce dernier par une série de décrochements perpendiculaires NNW (typique au niveau du Balcon). Ceux-ci sont d’ailleurs matérialisés par la coalescence de nombreux réseaux latéraux réajustés au profil même de la galerie principale (Rivière Haute, etc...). Le caractère évolutif de la cavité dans son ensemble et les diverses retouches érosives qu’il paraît évident de lui attribuer jouent un rôle important dans la morphologie de cette galerie. L’importance des effondrements et des décollements de strates visibles sur son parcours montrent non seulement les effets des contraintes mécaniques exercées sur les voûtes mais aussi ceux engendrés par les diverses fluctuations temporaires du niveau piézométrique de la nappe en réseau actuelle. Ces effondrements sont d’ailleurs localisés dans la zone de battement la plus fréquente de cette nappe. La zone épinoyée de la galerie du « Réservoir », creusée à même une zone de broyage, est caractérisée par d’importants dépôts de sable qui traduisent assez bien le régime de type lent de cette nappe dont nous avons décrit par ailleurs la mise en charge (voir Chapitre « Hydrogéologie de la Cavité »). (Voir coupes des galeries de la « Grande Branche » sur la planche correspondante).

LE « RESEAU NORD »

* Présence d’une faille-drain

Du point de vue morphologique le réseau Nord est sans aucun doute le plus intéressant. Il constitue de plus un excellent support pédagogique sur le creusement d’un réseau souterrain à partir d’une faille et de ses fracturations parallèles associées. Le parcours dit de la « Grande Diaclase » correspond à l’évidement surcreusé d’un plan de faille (voir planche photo correspondante) très ancien dont on retrouve quelques vestiges épars décalés par rapport au plan d’origine. Ce décalage semble être le résultat d’une série de petits décrochements perpendiculaires postérieurs à l’établissement du plan de faille qui, à l’origine, devait être grossièrement rectiligne.

La calcite du miroir, dégagée par l’érosion à la suite de l’écartement des deux lèvres de la faille, et ceci consécutivement à une détente générale du massif, a permis ainsi de livrer un passage assez original (mais typique) aux eaux souterraines. Celles-ci ont pu de ce fait pénétrer au coeur même du contact, entre les deux masses du calcaire, à l’origine fortement comprimées, tel qu’en attestent les petits crochons de failles et stylolites visibles dans le réseau parallèle.

Le réseau parallèle (ancien réseau supérieur), décalé par secteur de plus de 30 m par rapport au plan de faille de la « Grande Diaclase », est creusé à partir d’une famille de fractures associées imposées par la nature cassante de la compresseion à l’origine de la mise enplace de la faille. L’ouverture puis le décalage de ces dernières suite à des mouvements postérieurs a entraîné la karstification de ce réseau qui s’est surimposé sur les galeries de la « Petite Branche » et de la « Grande Branche » (voir Tectonique).

SPELEOGENESE HYPOTHETIQUE DE LA GROTTE DU SERGENT

* Influence de la Tectonique

Parmi les facteurs principaux qui ont favorisé la mise en place de la Grotte du Sergent, la tectonique joue un rôle prépondérant. L’utilisation des structures anté-pyrénéennes reprises lors de la phase majeure de raccourcissement pyrénéo-provençale est évidente et bien matérialisée au sein de cette dernière. La karstification semble cependant s’être préalablement installée à partir d’un réseau de fractures 335-345 et 60-70 résultant d’une phase de raccourcissement NNE-SSE identifiable aux mouvements compressifs fini-crétacés. La « Grande Branche » et le « Réseau Nord » ont de toute évidence utilisé ces fracturations ainsi que celles résultant des compressions pyrénéennes 10-20 et 95-115, fort bien représentées au sein de la cavité.

A l’Oligocène le jeu en failles normales de nombreuses structures NE-SW met en place dans la région une série de fossés d’effondrement et ouvre certaines familles de fractures calcifiées 35-45 qui seront utilisées par la karstification. Postérieurement à cette période, des mouvements à composant verticale entraînent la surrection du bâti Cévenol, et commence l’enfouissement des cours d’eau de surface, divaguant à grands rayons de courbure sur la masse calcaire régionale. L’Hérault, qui entame au Villafranchien son affouillement de cette surface creuse son lit, utilisant pour ce faire un axe fissural NE-SW.

Quelques réseaux souterrains mio-pliocènes préexistants s’adapetent au niveau de base de ce fleuve en creusant de nouveaux réseaux de galeries tandis que d’autres entament un cycle d’abandon dont on trouve de beaux exemples dans les Monts de Saint-Guilhem. Les Grottes de Beaume-Cellier, Avens des Trois Trous, sont à rapporter à cette époque. C’est à cette période qu’il faut probablement situer la première phase de karstification de la Grotte du Sergent, plus particulièrement la mise en place de la « Grande Branche » et de son exutoire originel, aujourd’hui détruit par l’érosion. L’évolution de la cavité, liée ensuite au retrait préflandrien de la mer et par conséquent à l’enfoncement de l’Hérault dans sa gorge, entraîne la capture de la partie supérieure de la « Grande Branche » (érosion régressive) par un nouveau système de galeries (La Petite  Branche) qui trouve un nouvel exutoire plus bas dans le massif, en rapport avec le niveau de base. C’est sur cette dernière que vient ensuite se greffer le réseau Nord (Réseau Parallèle) qui réutilise cette galerie pour recouper perpendiculairement la « Grande Branche » et mettre en place un nouvel exutoire inférieur actuellement colmaté. a l’Inter-Glaciaire Riss-Wurm le réchauffement général de la température interromp, semble-t-il, le fonctionnement de la cavité qui entame un stade de colmatage et de concrétionnement (les grand dépôts stalagmitiques visibles dans cette cavité sont à rapporter à cette époque). De nombreux dépôts de Grèzes et de calcite colmatent ses orifices originels et probablement l’entrée actuelle.

Au Wurm, nouvelle et dernieère période glaciaire, une reprise générale de l’érosion active l’approfondissement des réseaux déjà ébauchés et entame le décolmatage et le surcreusement des remplissages. La « Grande Diaclase » capture le réseau parallèle et met en place les Sources du Cabrier et du Roulet.

Achevée au Néolithique, la remontée du niveau marin à la cote actuelle (plus de 30 m) stoppe l’évolution du réseau en profondeur et contribue à l’ennoiement des parties du karst élaborées lors de la phase antérieure. Cet épisode confère à la cavité son fonctionnement actuel, c’est-à-dire son rôle de trop plein de l’Aquifère profond vidangé par les Sources du Cabrier et du Roulet, exutoires dont la mise en place récente (Post-Wurmienne) nous paraît évidente.

* influence du niveau de base

La spéléogénèse de la Grotte du sergent est liée non seulement à la tectonique mais aussi au fleuve draînant local (cause à effet) représenté ici par l’Hérault. Les fluctuations de ce fleuve et son enfoncement dans le karst depuis le Pliocène jusqu’à nos jours a eu pour conséquence de modifier le niveau statique de la nappe de cette région des Monts de Saint-Guilhem et par ce biais de corriger la postion et le fonctionnement de ses débouchés représentés par les émergences. Au sein de la tranche karstique constituée par les calcaires et Dolomies du Jurassique Supérieur et Moyen adossée à la Montagne de la Séranne, et affectée par le faisceau tectonique cévenol, la Grotte du Sergent constitue le plus ancien débouché de cette nappe et son point d’extravasement supérieur actuel. Sa physionomie dépend d’une adaptation progressive du profil de ses galeries aux différentes phases karstiques locales liées au creusement de l’Hérault.

Nous y avons en ce sens reconnu plusieurs stades dont les plus importants (au moins deux) correspondent à la génèse, dans un premier temps de la « Grande Branche » et dans un deuxième temps,  par capture de la partie supérieure de cette dernière, de la « Petite Branche ».

Le raccordement postérieur de l’ensemble Nord (Réseau de la Grande Diaclase, etc...) conséquence d’une détente générale du massif et de l’ouverture d’un plan de faille et de sa surimposition sur le complexe « Petite et Grande Branche » nous paraît être intervenu antérieurement à une phase active de remplissage du tronçon supérieur de la « Grande Branche » dont l’interruption de fonctionnement a probablement duré un laps de temps important. L’importance des dépôts de grèzes (voir planche photo correspondante) visibles dans la salle des « 7 colonnes » indique que cette période pourrait se situer à l’Inter-Glaciaire Riss-Wurm (concrétionnement et plancher stalagmitique). Cette surimposition a donné naissance à un deta de galeries qui rejoignent la « Grande Branche », la recoupent, puis se manifestent par le développement vers le Sud de plusieurs petites galeries dont la « Galerie de Gignac » dont on ne connaît pas de débouché extérieur, ni dans le massif ni dans le « Grand Boulidou ». Cette dernière galerie nous paraît tronçonnée en son extrémité Sud par une faille NE-SW, celle-là même qui marque l’extrémité est de la « Petite Branche » et positionne l’entrée de la cavité.